Le Président Ben Ali a quitté le pays (alors qu’il devrait être jugé impérativement, lui et ses acolytes) et le premier ministre a momentanément pris les rennes du pays. C’est une première étape et, à la croisée des chemins, les enjeux restent sensibles et particulièrement dangereux. Tout est encore possible : une tentative de gagner du temps, de manipuler les revendications populaires (avec un faux nouvel ancien gouvernement) ou encore une orientation influencée par des forces intérieures ou étrangères. La vigilance s’impose, la lucidité et surtout le refus de la naïveté et de certains expédients très – trop – rapides. La révolution civile et informelle a révélé une force extraordinaire mais cette force du contre-pouvoir peut aussi s’avérer une faiblesse face aux courants politiques qui pourraient utiliser le texte de la Constitution, les relations politiques internationales ou simplement utiliser le temps de l’apaisement pour redistribuer les cartes (il faudra également suivre attentivement l’évolution de l’attitude de l’armée). On pourrait leur offrir d’apparentes libertés, sans le dictateur, mais un nouveau quadrillage de la vie politique tunisienne. Il faut saluer cette première victoire tout en sachant que rien n’est gagné encore.
Le peuple de Tunisie est descendu dans la rue et, dans la non violence, a dit « Non ! » parce qu’il était l’heure que la dictature cessât. Il faut le saluer, le respecter et s’engager encore et encore à ses côtés. Sans fléchir. Il faudra faire attention à toutes ces « nouvelles » voix de « soutien » qui hier était silencieuses avec Ben Ali et qui vont se présenter aujourd’hui comme des « démocrates » sans passé. Il faudra, de la même façon, faire le compte des complicités individuelles et internationales qui aimeraient, à l’heure de la résistance pacifique victorieuse, faire oublier leurs trahisons, leurs mensonges et leurs hypocrisies. D’aucuns ont sacrifié leur vie, d’autres ont été torturés ou ont vécu l’exil et la désolation : c’est avec eux qu’il faut être et s’engager. Leurs sacrifices, leurs souffrances et leurs larmes ne furent pas en vain. Une belle leçon, un moment historique : le peuple a eu raison de son dictateur. Il faut encore qu’il ait raison de son système et de ses valets et complices.
A l’heure de cette incroyable révolution, pacifique, digne et populaire, des images d’un rêve possible traversent notre esprit et nos espérances : que les peuples arabes, soumis aux dictatures, se lèvent enfin et, avec la même détermination populaire et non violente, résistent aux autocrates et libèrent leur pays. Enfin ! Quel bel exemple : un soulèvement du peuple et du cœur. Si seulement les peuples avaient la force de cet exemple, de cette écoute et de cette résistance non-violente et révolutionnaire. Le sens historique de la libération.
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